Diagnostic du cancer du pancréas

Quels sont les signes du cancer du pancréas ?

Trois principaux signes peuvent révéler un cancer du pancréas. S’ils sont réunis, ils doivent absolument faire évoquer le diagnostic.

  • La douleur est souvent intense et lancinante. Elle est située au niveau du creux de l’estomac (épigastre) et se projette typiquement sous les côtes et en arrière, vers le dos, « en ceinture ». C’est pourquoi certains patients consultent d’abord un rhumatologue pensant qu’il s’agit d’une affection touchant la colonne vertébrale.
  • L’amaigrissement est souvent rapide et important. Il a plusieurs causes : la douleur, une perte d’appétit, l’apparition d’un diabète ou d’une moins bonne digestion des aliments par défaut de sécrétion des enzymes du pancréas.
  • Une jaunisse (dont le terme médical est l’ictère). Elle est due à une compression du canal cholédoque par une tumeur de la tête du pancréas qui empêche la bile d’arriver dans l’intestin. Elle apparaît progressivement, d’abord au niveau des yeux puis sur la peau. Elle est souvent précédée d’une coloration brun foncé des urines et d’une couleur pâle des selles (car la bile passe dans les urines au lieu des selles).

D’autres symptômes peuvent survenir :

  • Une envie de se gratter, appelée prurit, parfois gênante, qui accompagne la jaunisse.
  • Des selles grasses du fait d’une mauvaise digestion des lipides due au passage d’une quantité insuffisante d’enzymes pancréatiques dans l’intestin.
  • Des vomissements, survenant souvent après les repas, dus à une obstruction de l’intestin par la tumeur. Ils sont plus rarement révélateurs et surviennent généralement tardivement dans l’évolution de la maladie.
  • Une phlébite de survenue apparemment spontanée, c’est-à-dire en dehors des circonstances habituelles où elle peut se manifester (comme après une intervention chirurgicale, un alitement ou un long voyage en avion…). Celle-ci est liée à la sécrétion de certaines substances par la tumeur qui rendent le sang moins fluide.
  • Une pancréatite aiguë (inflammation brutale et douloureuse du pancréas) ; elle constitue le premier symptôme dans environ 5 % des cancers du pancréas.
  • L’apparition d’un diabète.
  • Une dépression peut précéder la découverte de la tumeur. Elle peut être liée à la fatigue prolongée entraînée par le cancer non encore diagnostiqué. Il faut la distinguer de la dépression secondaire à la découverte du cancer et l’inquiétude qui l’accompagne.

De façon exceptionnelle, un cancer du pancréas peut être découvert par hasard à l’occasion d’un examen d’imagerie, tel qu’une échographie ou un scanner de l’abdomen effectué pour une autre raison. Ainsi, il arrive qu’on diagnostique, de façon fortuite un ou plusieurs kystes du pancréas de nature dite mucineuse qu’on décide d’enlever chirurgicalement (car il s’agit de lésions précancéreuses). Il est possible alors de découvrir, lors de l’analyse de la partie du pancréas enlevé, la présence d’une zone cancéreuse.

Comment fait-on le diagnostic radiologique d’une tumeur du pancréas ?

Le scanner

Si le diagnostic est suspecté en présence de certains signes cliniques, il faut réaliser un scanner de l’abdomen centré sur le pancréas. Le scanner est basé sur l’émission de rayons X.

C’est l’examen clé pour le diagnostic d’inflammation ou de tumeur du pancréas.

Un scanner correctement fait comprend la réalisation de clichés avant et après l’injection d’un produit de contraste dans une veine ; cette injection peut s’accompagner d’une sensation de chaleur parfois désagréable. Les coupes du scanner doivent être fines et ne pas dépasser 3 millimètres.

On demande au patient d’ingérer de l’eau juste avant l’examen pour que l’estomac soit bien visible et séparé du pancréas.

Le patient doit signaler s’il est diabétique (car certains médicaments doivent être interrompus 48h avant le scanner et repris 48h après) ou s’il a eu un souci lors d’un examen antérieur (par exemple, des signes d’allergie).

Le scanner permet de voir le pancréas de façon détaillée et les organes de voisinage. Il permet souvent à lui seul de prédire si une tumeur peut être enlevée par chirurgie ou non.

Cet examen doit être interprété par un médecin radiologue entraîné. La lecture demande du temps et parfois une confrontation avec plusieurs médecins. Cela explique que le résultat soit souvent donné au patient après un certain délai.

L’échographie et l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM)

L’échographie permet de visualiser le pancréas mais l’examen de cet organe n’est complet que 2 fois sur 3. La présence de gaz interposés entre la sonde d’échographie et le pancréas ou une obésité du patient peuvent en gêner la réalisation. L’échographie est donc moins sensible que le scanner pour voir les petits détails. Toutefois, c’est assez souvent le premier examen réalisé du fait des symptômes. La détection directe de la tumeur peut être difficile, mais la mise en évidence de signes « indirects », comme des ganglions, une dilatation du canal du pancréas ou du cholédoque en amont de la tumeur, ou une grosse vésicule biliaire peut-être précieuse.

L’IRM utilise, à la différence du scanner, un champ magnétique. C’est donc un examen qui n’entraîne pas d’irradiation. Sa réalisation est assez longue (20-30 mn) pendant lesquelles le patient est placé dans un long tube. S’il est claustrophobe, il devra le signaler au préalable car des mesures simples, telles que l’administration d’un petit tranquillisant ou la pose d’un cache noir sur les yeux permettront d’éviter un inconfort psychologique. L’examen comporte des bruits assez importants qui peuvent nécessiter la mise de bouchons dans les oreilles.

Juste avant l’IRM, certains radiologues peuvent demander au patient d’absorber des myrtilles ou un jus de fruits (ananas). Cette mesure a pour but « d’effacer » les images parasites provoquées par le liquide naturellement contenu dans l’estomac et qui gêne la vision des canaux du pancréas et de la voie biliaire principale.

L’IRM est un examen très utile pour détecter des petites métastases, dans le foie en particulier. On utilise une technique dite de « diffusion » pour repérer des zones plus denses en cellules qui peuvent correspondre à la présence de tumeur.

Le délai pour réaliser cet examen est parfois long car la disponibilité d’appareils en France est encore insuffisante.

L’écho-endoscopie (EE) et l’opacification rétrograde endoscopique des canaux du pancréas (CPRE)

L’EE combine un examen endoscopique et une échographie. La sonde d’échographie est descendue par la bouche dans l’estomac ou le duodénum et se trouve ainsi située très près du pancréas (2-3 mm). Elle a une très bonne résolution spatiale et permet d’étudier des petits détails de la totalité du pancréas et de certaines structures avoisinantes (ganglions…).

Elle permet de faire des biopsies du pancréas quand il existe une tumeur pour en déterminer la nature (cancéreuse ou non cancéreuse, type du cancer).

Elle nécessite une anesthésie générale en raison de sa durée (environ 20 mn pour un examen simple, souvent plus pour la réalisation d’une ponction) et l’intervention d’un gastroentérologue entraîné.

Pour faire une CPRE, il faut descendre un endoscope dans le duodénum au niveau d’un petit renflement, appelé ampoule de Vater, où se rejoignent les canaux biliaires et pancréatiques.

Un tuyau de très fin calibre, appelé cathéter, est introduit dans l’ampoule et il est possible alors d’injecter un produit de contraste dans les canaux du pancréas et dans le canal cholédoque (biliaire). Cet examen n’est pratiquement plus utilisé pour faire le diagnostic de tumeur du pancréas car le scanner et l’IRM sont suffisamment performants pour cela. Par contre, la CPRE permet de mettre une prothèse en plastique ou en métal si le canal cholédoque est bouché (avec pour symptôme une jaunisse) par une tumeur – évitant ainsi une intervention chirurgicale – et parfois d’effectuer des biopsies dans les canaux pancréatiques ou biliaires pour affirmer le diagnostic de tumeur.

Comment affirmer le diagnostic ?

La confirmation du cancer du pancréas exocrine se fait exclusivement grâce à un prélèvement de tissu tumoral appelé biopsie. Un diagnostic histologique (étude microscopique du tissu tumoral) doit être obtenu lorsqu’un traitement non chirurgical est envisagé, car 10 % des tumeurs malignes du pancréas ne sont pas exocrines – et le traitement est différent – et toutes les « tumeurs » du pancréas ne sont pas malignes (certaines inflammations bénignes peuvent ressembler à un cancer).

Quand le bilan préopératoire conclut que la tumeur peut être retirée par chirurgie et qu’il n’existe pas de contre-indication opératoire liée à l’état général du patient, une opération peut être proposée sans biopsie au préalable. Le diagnostic de cancer sera obtenu par l’examen histologique de la partie du pancréas enlevée ou de prélèvements sur des zones tumorales si le chirurgien constate que la tumeur ne doit pas être enlevée du fait de la présence de petits nodules situés sur le péritoine ou le foie par exemple.

Une biopsie en dehors d’une intervention doit être réalisée dans les cas suivants :

  • La tumeur serait enlevable mais il y a un fort doute diagnostique avec une inflammation bénigne.
  • La tumeur est un peu trop grosse et on prévoit de faire un traitement « préparatoire » (appelé néoadjuvant) par chimiothérapie et parfois par radiothérapie. La biopsie vise à s’assurer qu’il s’agit bien d’un cancer et en définir le type avant de débuter le traitement.
  • La tumeur n’est pas enlevable par chirurgie et on doit affirmer le diagnostic avant de commencer un traitement médical (par exemple, une chimiothérapie ou des soins de supports). En cas de présence de métastases hépatiques, une biopsie du foie avec une aiguille fine sous contrôle radiologique (échographie ou scanner) doit être proposée en première intention car elle ne nécessite pas d’anesthésie générale. En l’absence de métastase, la biopsie du pancréas est généralement effectuée lors d’une échoendoscopie sous anesthésie générale si la chirurgie première n’est pas indiquée.

Quelle est l’étendue du cancer ?

Cette question est très importante. De l’étendue du cancer dépendent le pronostic et le traitement.

L’étendue du cancer est connue après réalisation d’un bilan qui recherche, avant une opération, la présence de métastases.

Il existe, schématiquement, 3 situations :

  • Le cancer peut être enlevé par chirurgie car il n’existe ni métastase à distance du pancréas ni atteinte des vaisseaux ou des organes de voisinage empêchant l’exérèse chirurgicale. Après l’opération, c’est l’examen anatomopathologique qui permet d’analyser au microscope la tumeur et les ganglions que le chirurgien a enlevés lors de l’opération.
  • Le cancer est dit « localement avancé » lorsqu’aucune métastase n’est décelée mais qu’il existe un envahissement des gros vaisseaux autour du pancréas ou de certains organes de voisinage (estomac, rate…) laissant prévoir qu’une exérèse chirurgicale complète de la tumeur ne pourra pas être réalisée. On privilégie alors le traitement médical (chimiothérapie suivie ou non d’une radiothérapie) en première intention. Chaque cas est rediscuté après quelques mois de traitement et réalisation de nouveaux examens (biologiques et radiologiques), pour envisager une exploration chirurgicale, qui dans 20 à 50% des cas, permet d’enlever le cancer.
  • Le cancer est dit métastatique lorsqu’il s’accompagne de foyers tumoraux à distance du pancréas (foie, péritoine, poumons…). Le traitement repose alors sur la chimiothérapie, parfois associée à des molécules dites « ciblées ».

Quels sont les différents stades de la maladie ?

Les stades du cancer du pancréas exocrine sont déterminés en fonction de l’extension de celui-ci.

Différents systèmes de classification existent pour quantifier l’évolution de la tumeur.

On utilise une classification internationale appelée TNM qui résume le stade de l’extension tumorale : T pour tumeur, N pour ganglion (node en anglais) et M pour métastase.

Le T se réfère à la tumeur et son extension aux organes de voisinage.

Le cancer est classé N0 quand les ganglions ne sont pas envahis, N1 quand il y a envahissement des ganglions lymphatiques à proximité de la tumeur (dits régionaux).

M0 signifie l’absence et M1 la présence de métastases.

Une fois la classification établie, les tumeurs sont regroupées en stades. Une autre classification est également très utilisée et concerne les stades de cancers localisés, c’est-à-dire sans métastases (Classifications NCCN – American National Comprehensive Cancer Network). Cette classification permet de préciser si le cancer est opérable, ou si en raison de l’envahissement de gros vaisseaux situés à proximité du pancréas, un traitement par chimiothérapie et/ou radiothérapie est nécessaire avant d’envisager une opération chirurgicale.

Il faut comprendre que l’analyse précise des images peut être difficile, notamment pour distinguer une infiltration tumorale d’une zone de fibrose. L’analyse des images peut être faite en réunion pluridisciplinaire en présence de radiologues, chirurgiens et oncologues/gastroentérologues expérimentés en pathologie bilio-pancréatique. En cas de TIPMP dégénérée, il est fréquent que l’atteinte vasculaire soit surestimée.

Auteurs

Pr Julien Taieb
Professeur des universités-praticien hospitalier d’Hépato-Gastro-Entérologie (Université Paris V) ; spécialisé dans la prise en charge des cancers digestifs, chef du service d’oncologie digestive de l’hôpital Européen Georges Pompidou (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris), il exerce en plus de ses fonctions hospitalières une importante activité de recherche clinique et fondamentale.
Pr Julien Taieb
Professeur des universités-praticien hospitalier d’Hépato-Gastro-Entérologie (Université Paris V) ; spécialisé dans la prise en charge des cancers digestifs, chef du service d’oncologie digestive de l’hôpital Européen Georges Pompidou (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris), il exerce en plus de ses fonctions hospitalières une importante activité de recherche clinique et fondamentale.
Pr Lilian Schwarz
Professeur des universités-praticien hospitalier de chirurgie digestive (Université de Rouen) ; il exerce à l’hôpital Charles Nicolle (CHU de Rouen) où il est en charge de la chirurgie hépatobiliaire et pancréatique. Son activité de recherche se concentre sur les cancers digestifs et particulièrement du foie et du pancréas.
Pr Lilian Schwarz
Professeur des universités-praticien hospitalier de chirurgie digestive (Université de Rouen) ; il exerce à l’hôpital Charles Nicolle (CHU de Rouen) où il est en charge de la chirurgie hépatobiliaire et pancréatique. Son activité de recherche se concentre sur les cancers digestifs et particulièrement du foie et du pancréas.
Pr Florence Huguet
Professeur des universités-praticien hospitalier d’Oncologie Radiothérapie (Sorbonne Université) ; elle exerce à l’hôpital Tenon (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris) où elle est chef de service d’Oncologie Radiothérapie. Son activité clinique se concentre sur les cancers digestifs et ORL, domaines dans lesquels son expertise est reconnue sur le plan international.
Pr Florence Huguet
Professeur des universités-praticien hospitalier d’Oncologie Radiothérapie (Sorbonne Université) ; elle exerce à l’hôpital Tenon (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris) où elle est chef de service d’Oncologie Radiothérapie. Son activité clinique se concentre sur les cancers digestifs et ORL, domaines dans lesquels son expertise est reconnue sur le plan international.

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